Mai 102013
 

Lorsque j'étais arrivé à Marseille, la situation m'avait étonné. Pour filtrer les premières demandes de séjour – et ainsi réduire en amont le nombre d'admissions possibles, la préfecture ne laissait chaque matin qu'une dizaine d'étrangers déposer leur dossier, ce qui les obligeait tous à faire la queue toute la nuit, dans des conditions d'hygiène et parfois de sécurité douteuses (A Marseille, les étrangers à bout). Le tribunal administratif de Marseille (TA) avait été saisi en avril 2011 en référé-suspension, les requêtes avaient été rejetées pour défaut d’urgence mais le préfet avait fait réorganiser le service d’accueil des étrangers. La situation s'était améliorée plusieurs mois. Avant de se détériorer de nouveau, dès l'automne 2011. Alors, deux avocats déposent ce matin une requête en "référé mesures utiles", toujours devant le TA, au nom de quatre associations. Le Gisti, la Cimade, les Amoureux au ban public et l’Association de juristes pour la reconnaissance des droits fondamentaux des immigrés.

Actuellement, les premières demandes de titre de séjour temporaire ainsi que celles d’admission exceptionnelle au séjour par le travail ne sont reçues que quatre matins par semaine, "et seul un nombre limité d’étrangers, variant entre dix et quinze par jour, se voit remettre un ticket leur permettant d’accéder au guichet", notent les avocats, Clément Dalançon et Philippe Pérollier. Dix à quinze tickets pour toutes les Bouches-du-Rhône puisque les sous-préfectures refusent pour leur part d'enregistrer ces demandes. "Il en résulte une situation intolérable puisque les étrangers sont contraints de faire la queue toute la nuit, et parfois même plusieurs nuits de suite, pour espérer obtenir un ticket et voir leur demande enregistrée." Soit une atteinte à la dignité humaine, une discrimination, une rupture de la continuité du service public, et une violation des droits élémentaires des étrangers en situation irrégulière, estiment les associations.

La situation permet à quelques négociants en misère humaine de faire leur bon beurre. Un intermédiaire qui bénéficie visiblement de quelques entrées à l'intérieur de la préfecture, monnaie par exemple ses services, promettant de faire passer des dossiers en priorité, contre espèces sonnantes et trébuchantes de préférence.

Les associations ont accumulé de très nombreux témoignages de militants associatifs, d'accompagnateurs d'étrangers venus patienter devant la préfecture, de juristes, etc. Ils racontent en détail tout cela. Les nuits, les guichets transformés en entonnoir, les intermédiaires véreux. Une vingtaine de dépositions accompagne la requête, qui demande au tribunal d'imposer la fin du numerus clausus, d'imposer aux sous-préfectures de recevoir les premières demandes de cartes de séjour, et de permettre le retrait des dossiers de demande sur internet, pour éviter de faire deux fois la queue. A titre subsidiaire, les associations réclament que l'on installe au moins un auvent et des bancs publics devant le bâtiment préfectoral, et des toilettes publiques à proximité.

Par Ol.B.

 

Lire l'article sur le Blog Les chroniques de Mars, d'Olivier Bertrand, correspondant à Marseille pour Libération