Mai 202014
 

L’histoire commençait bien.

Par une belle soirée de juin 2006, je rencontre l’homme qui partage aujourd’hui ma vie. Nous faisons connaissance, on garde contact. On se met en couple quelques mois. J’étais jeune et immature, je me sens libre, je décide de rompre.

Une histoire banale en somme.

Cependant, nous gardons toujours contact. Les sentiments sont toujours là, le temps passe, et en juin 2009, nos deux chemins ne refont plus qu’un. Puis là, l’amour, le vrai.

L’histoire devient moins banale.

Il est africain, je suis française. Arrivé en France en 2004, en situation irrégulière depuis 2008 (titre de séjour non renouvelé), je découvre l’enfer de l’administration de mon pays.

En novembre 2012, un gouvernement soi-disant « humaniste » au pouvoir, nous décidons de régulariser sa situation. Nous nous présentons ensemble à la préfecture.

« Qui vous êtes, vous, pour lui ? » « Sa compagne. » « Vous êtes mariés ? » « Non. » « Ah bon, alors, vous n'êtes rien pour lui. » ; ça commence bien, me dis-je. L’entretien va me faire penser à un interrogatoire de police. Coupable d’aimer.

Va s’en suivre un récépissé de titre de séjour de 4 mois, puis la sanction. Refus de titre de séjour et OQTF. Un peu désarmée, je ne sais pas quoi faire. Epaulés par les associations (ils sont géniaux), nous avons rendez-vous avec une avocate. On va faire un recours au tribunal administratif.

Que commence le bal des papiers à fournir, et autres attestations.

Bienvenue dans le cercle vicieux. Nous devons fournir des preuves de vie commune. Je sors de ma vie étudiante, travaille en intérim, nous sommes hébergés soit chez un ami, soit chez ma mère. Nous vivons dans une caravane pour avoir un peu d’intimité, c’est sommaire mais notre amour est plus fort que tout. Seulement, mis à part les nombreuses attestations (peut-être trop même, notre avocate n’en revient pas) de nos proches pour prouver notre amour, pas grand-chose.

Le serpent qui se mord la queue. Nous voulons ouvrir un compte commun pour preuve de vie commune, la banque refuse, car il n’a pas de papiers en règle…

Entre temps, nous nous marrions, juin 2013. A vrai dire, tout le monde est derrière nous, à part la préfecture. Comité restreint, mariage d’amour mais pas le mariage espéré, celui dont on rêve depuis toute petite. Mariage rapide et pressé, on va dire.

Deux mois plus tard, entretien avec la gendarmerie pour enquête de la préfecture. Traumatisée, car toujours suspecte de crime. Crime d’aimer un étranger.

Alors, on nous demande de déposer un nouveau dossier de demande de titre séjour en tant que conjoint de français. Entre temps, le premier recours du tribunal est refusé, nous sommes en octobre 2013, presque un an après les premières démarches.

Pas de nouvelles, bonne nouvelle ? Pas pour cette fois. Il y a un mois nous venons de recevoir la réponse de la demande de juillet l’année passée. Nouveau refus de titre de séjour avec OQTF. Je m’effondre en larmes. C’est reparti pour un tour. Heureusement, les associations nous remotivent. Entre temps, j’ai trouvé un boulot, nous avons pris un appartement. Preuves de vie commune « officielles » en cours. Actuellement, nous venons de déposer un nouveau recours au tribunal administratif.

L’histoire n’est pas finie. (Et je vous ai épargné les séjours en centre de rétention administrative en 2009, les heures à patienter à la préfecture…)

Peu à peu, j’en viens malheureusement à détester mon pays et ses rouages administratifs. Je me sens coupable ; coupable d’aimer, et coupable envers l’homme que j’aime. C’est quelqu’un de droit et honnête, on le fait passer pour un criminel, aujourd’hui, s’il reste en France, c’est par amour envers moi.

Nous ne demandons pas la lune, nous voulons juste être libres de nous aimer en toute légalité dans les deux pays qui nous ont vus naître. Un jour peut-être…

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