Juin 102015
 

Le lundi 08 juin 2015, France 2 diffusait à une heure de grande écoute un reportage  sur « la lutte contre les mariages arrangés ».

Les Amoureux au ban public ne peuvent que dénoncer l’orientation manifeste qui a régit la réalisation de ce reportage, et le choix éditorial de la chaîne de service public de le diffuser au journal télévisé de 20h.

Semer le trouble et alimenter la suspicion

Loin de présenter une analyse du « phénomène » des mariages de complaisance, ce reportage se contente de reprendre et renforcer les propos tenus par l’adjoint au maire du XVème arrondissement de Paris, Monsieur Jean-Manuel Hue, en les illustrant des interventions d’un agent de l’Office Central pour la Répression de l’Immigration irrégulière et de l’Emploi d’étrangers Sans Titre (OCRIEST), et de témoins interviewés au sein même de la mairie.

L’absence de vision contradictoire laisse toute latitude aux allégations de l’adjoint au maire, défenseur auto-proclamé de l’institution du mariage, semant le trouble sur les véritables fonctions de l’officier d’état civil, sur le supposé lien entre la nationalité des futurs époux et le risque de mariage de complaisance, et sur l’ampleur des unions « frauduleuses ».

La rédaction de France 2 a fait le choix de ne pas de se rapprocher d’élus municipaux ayant une approche différente de la question, ou de couples franco-étrangers ayant subi la suspicion systématique et les pratiques discriminatoires de l’administration.

Approximations et inexactitudes

Aucune nuance n’est apportée par les journalistes, qui cumulent approximations et inexactitudes, tant dans leurs interventions face caméra, que dans celles de la voix-off, sans compter la présentation écrite du reportage sur le site de France 2.

Reprenons deux des affirmations présentées sur le site et reprises pendant le reportage :

« Les mariages blancs sont de plus en plus nombreux en France. Ils permettent à certains d’acquérir la nationalité française et représentent la moitié des 70 000 naturalisations prononcées en 2014.

[…]

Il est impossible d’estimer le nombre d’unions de complaisance en France. Cependant, une chose est sûre, des filières illégales se sont spécialisées dans l’organisation de ces mariages. »

Outre la contradiction qui consiste à dire qu’il est impossible d’estimer le nombre de mariage de complaisance en France et à annoncer leur augmentation, le ton employé et les chiffres avancés tendent à faire croire à un réel phénomène de masse.

D’une part, les statistiques disponibles concernant l’acquisition de la nationalité française (Ministère de l’Intérieur) indiquent 77 335 acquisitions de la nationalité française en 2014, dont 19 725 par mariage. Le calcul est simple, cela ne représente donc que 25.5% au total, sans aucune information officielle sur la proportion de ces acquisitions de nationalité qui seraient dues à une union frauduleuse.

D’autre part, il convient de rappeler que la déclaration de nationalité ne peut intervenir pour les conjoints de français, qu’après au moins 4 ans de mariage – sans interruption de la communauté de vie – et parfois au prix de contrôles policiers intrusifs.

L’obtention d’un titre de séjour est par ailleurs loin d’être automatique, contrairement à ce que laisse croire la journaliste Audrey Goutard lorsqu’elle dit dans le reportage : « la meilleure façon d’obtenir des papiers en règle c’est donc de se marier« . Les conjoint.e.s de français.e.s doivent remplir un ensemble de conditions afin de prétendre à la délivrance d’une carte de séjour, qui sera pour les trois premières années (sauf exception) une carte temporaire valable un an, avec de potentiels contrôles de la communauté de vie à chaque renouvellement.

Concernant la question des réseaux, un rapport sur les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au regard des migrations en Méditerranée (déposé à l’assemblée nationale par la Commission aux affaires européennes) indique que pour le premier semestre 2014 sur la centaine de filières qui ont été démantelées en France, une seule organisait des mariages de complaisance. On constate donc que la proportion de cette filière parmi l’ensemble de celles qui ont été démantelées et très faible : 1.05% pour le premier semestre 2014, 0.98% en 2013, 3.3% en 2012.

Les Amoureux au ban public, mouvement de couples franco-étrangers mobilisés collectivement pour la défense de leurs droits à vivre en famille désapprouvent fermement le parti pris de la rédaction de France 2, chaîne télévisée de service public, le manque de recherches et d’analyse des journalistes ayant réalisé ce reportage véhiculant les préjugés sur une partie de la population et contribuant à la suspicion et à la discrimination des familles binationales.

 

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