Fév 172016
 

Nombreux sont les témoignages faisant part d’une suspicion ordinaire à l’égard des couples franco-étrangers. Exigences excessives de pièces justificatives, refus de célébrer le mariage, signalements à la police, multiplication des refus de visas ou de titres de séjour, telles sont les situations recueillies par Les Amoureux au ban public, association créée en 2007.

Cette surveillance accrue des couples mixtes trouve son origine dans l’extrême droitisation récente de la parole publique et la croisade étatique contre les étrangers lancée sous l’ère Nicolas Sarkozy. Les déclarations d’Éric Besson, ministre de l’identité nationale de l’époque, ont en particulier contribué à propager l’expression « mariage gris » que ses pourfendeurs définissent comme « une escroquerie sentimentale de la part de l’un des deux conjoints ». Sa réalité objective reste pourtant floue et incertaine, comme c’est également le cas pour les mariages de complaisance. En 2008, on estimait à 0,25% le taux de titres de séjour obtenus par le biais des mariages blancs. Le buzz autour des mariages gris est quant à lui inversement proportionnel !

En parallèle de ce discours, la suspicion fréquente envers les couples franco-étrangers– en particulier quand l’un des conjoints est sans-papiers – peut aboutir à des inégalités de traitement des couples au niveau institutionnel notamment au sein des mairies. En effet, les marges de manœuvre dont disposent les agents d’état civil et les maires dans la constitution de faisceaux d’indices se rapportant à un mariage délictueux peuvent être l’occasion de pratiques discriminatoires, qu’elles soient conscientes ou non. Leur accumulation met à mal l’égalité de traitement par la République.

Il ne s’agit pas non plus de nier le phénomène et il faut bien sûr combattre les réseaux de « faux mariages » qui profitent des personnes vulnérables. Mais l’ampleur du phénomène n’est-il pas mineur face à tant d’acharnement ?

Face à un climat de présomption de fraude de la part des étrangers, la publication d’un guide par l’association Les Amoureux au ban public, véritable outil de décryptage du droit auquel les agents d’état civil peuvent se référer, apparaît fondamentale afin de lutter contre les discriminations et les stéréotypes.

Un arsenal juridique sans cesse renforcé existe. Alors que l’article 8 de la convention européenne consacre la garantie du droit au respect de la vie familiale, la circulaire de juin 2010 ayant vocation à lutter contre les mariages simulés ou arrangés, liste, en remplacement de celle de mai 2005, les modalités de contrôle et de vérification en cas de doutes sur la sincérité du couple. Dans une décision de 2003, le Conseil Constitutionnel a également rappelé que l’irrégularité de séjour n’entrave pas la liberté de mariage et ne devrait pas constituer à elle seule un motif de suspicion de fraude.

Aujourd’hui, il est urgent de rétablir un discours d’égalité de traitement de tout-e-s les citoyen-ne-s devant la loi ! Au lieu de mener des débats stériles et nauséabonds sur la bi-nationalité, la gauche ne devrait pas perdre une occasion de promouvoir la mixité et la diversité comme richesses et facteurs de vivre-ensemble.

Hélène BIDARD, adjointe à la maire de Paris pour l’égalité femmes-hommes, la lutte contre les discriminations et les droits humains

Source: https://blogs.mediapart.fr/helene-bidard/blog/120216/mariage-pour-tous

 Publié par le 17 février 2016

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