Jan 182017
 

Retrouvez Juliette Devos, coordinatrice juridique du Mouvement des Amoureux au ban public à l’antenne de Radio Pluriel (Lyon) pour l’émission Tam TAm Tropical présentée par Noël Juvenal.

Il est question des discrimination subies en France par les couples binationaux, la suspicion généralisée de l’administration à leur égard et du combat des Amoureux au ban public pour la liberté d’aimer la personne de son choix !

(Rendez-vous à la huitième minute de l’enregistrement)

Avr 302014
 

Lorsque j'ai eu 20 ans, j'ai voyagé en Afrique francophone durant 7 mois. C'est au cours de ce voyage que j'ai rencontré celui qui aujourd'hui partage ma vie. Cela fait 5 ans qu'on s'est rencontré, 4 ans que nous vivons en couple.

Je suis retournée en France après ce premier séjour tout en retournant autant que possible dans le pays où vit ma moitié. Ensuite, j'ai eu la "chance" de trouver un travail et donc de m'installer en Afrique de l'Ouest. Ça fait maintenant 2 ans que nous vivons ensemble, sans réelle séparation géographique imposée. Car, si je souhaite retourner dans mon pays natal (pour y voir ma famille, reprendre des études ou même travailler), je sais que je DEVRAIS alors laisser ma moitié en Afrique car les visas ne sont pas accordés aux citoyens africains lambda.

Je suis assez jeune et l'idée du mariage ne s'impose pas à moi comme une réelle envie. Toutefois, je souhaite quitter l'Afrique au moins pour un temps car je me sens déracinée et aussi parce que j'ai un travail qui me permet à peine de subvenir à mes besoins fondamentaux (je gagne environ 200€ par mois).

Donc, de fil en aiguille, nous avons convenu de nous marier pour pouvoir vivre ensemble, quoiqu'il arrive. Dans tous les cas, ça sera un mariage d'amour, même si ce sont les politiques migratoires françaises qui nous poussent à cet acte plutôt que notre volonté.

Car ce mariage n'aura rien de banal. Il ne sera pas le plus beau jour de ma vie, mais juste le moyen de pouvoir vivre librement avec celui que j'aime. Pas de grande robe à froufrou, pas ou peu de famille, pas de grande fête, juste l'essentiel, un papier qui nous unit.

 

Mais depuis des mois, le consulat de France me balade pour toutes les démarches administratives. J'y suis allée une première fois pour prendre la liste des documents à envoyer pour constituer le dossier.


Là, on m'a dit que je devais d'abord faire une carte consulaire en constituant un dossier que je viendrai déposer lorsque j'aurai réuni tous les papiers.

 

J'ai constitué le dossier de demande de carte consulaire et me suis rendue au consulat. En passant les portes bétonnées de l'entrée, on me dit d'attendre à l'extérieur, qu'un agent va venir me chercher… J'ai donc attendu, attendu… Attendu… Puis une seconde personne est arrivée. Nous avons attendu… attendu… attendu… Des agents consulaires passaient devant nous sans nous adresser la parole… Puis, nous nous sommes décidées à réclamer quelqu'un. Plus de deux heures après, on nous a dit de rentrer chez nous, que le consulat n'accueillait personne le vendredi, et on nous a demandé de prendre rendez-vous sur internet avant de venir.

Je suis donc repartie, et j'ai pris RDV sur internet, rendez-vous qui a été programmé plus d'un mois après.

 

Un mois plus tard, j'arrive au consulat et j'attends… j'attends… j'attends… Je me décide donc à me présenter pour signaler que j'avais rendez-vous. On me dit que je ne suis pas enregistrée. J'ai alors protesté en disant qu'à la suite de l'opération sur internet, on m'a confirmé que j'avais RDV en me donnant un code d'enregistrement. On m'a dit que ce code ne servait à rien… Finalement, une dame qui a eu pitié a bien accepté de m'écouter en me demandant ce que je voulais. J'ai expliqué que j'étais venue déposer le dossier de demande de carte consulaire. Là, la dame m'a demandé combien de temps je comptai rester sur ce territoire; ce à quoi j'ai répondu plus ou moins 10 mois. Là, la charmante expatriée du consulat m'a clairement dit: "non, non, vous ne pouvez pas faire une demande de carte consulaire; c'est comme si vous vouliez forcer les portes du consulat". Je lui explique toutefois que cette fameuse carte est demandée dans le dossier pour obtenir un certificat de capacité à mariage. Suite à quoi cette "charmante dame" a été tout à fait étonnée et n'a pas su me dire si oui ou non je devais faire cette carte. Je suis donc repartie bredouille.

Nous avons alors décidé de constituer le dossier en laissant cette affaire de carte consulaire. Vu que ma moitié est originaire d'un autre pays que celui dans lequel on vit, il nous a fallut faire des économies pour se rendre là-bas et récupérer tous les papiers nécessaires.

Une fois tous les papiers réunis, j'ai repris rendez-vous sur internet. J'ai voulu appeler pour qu'on me confirme que le rendez-vous était bien enregistré, mais avec plus de 15 tentatives d'appel sur les tranches horaires de la permanence téléphonique, personne n'a jamais répondu.

Un mois plus tard, j'étais donc de retour au consulat. J'ai attendu… Attendu… Attendu… alors que d'autres personnes amis des agents consulaires avaient trouvé des réponses à leurs problèmes en un temps record, nous autres, français/es inconnus, restions à patienter durant des heures.

Finalement, on me fait passer à l'accueil. J'explique que j'ai pris rendez-vous pour déposer le dossier demande de certificat de capacité à mariage. Là, à l'accueil, la dame fait une grimace, me dit qu'elle va venir chercher sa supérieure censée me recevoir.

La supérieure arrive, et derrière sa vitrine me dit que le dossier doit être envoyé par la poste en courrier recommandé avec avis de réception. Plus que désespérée, je prends le papier qu'elle me tend avec l'adresse postale du consulat.

Le lendemain j'envoie donc le dossier. Cela fait plus d'un mois aujourd'hui et je n'ai toujours pas de nouvelle. Entre ma première visite au consulat et aujourd'hui, il s'est passé 7 mois. Je n'ai jamais été reçue plus de 5 minutes par les agents consulaires. Je n'ai jamais réussi à avoir une information fiable sur les démarches à effectuer.

Aujourd'hui, un de mes amis connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un… Bref. Cette personne a pris contact avec le consulat, et il m'a fait savoir qu'il faut que je fasse la demande de carte consulaire avant tout. Alors voilà où j'en suis…

Je vis par amour malgré moi dans un pays où je ne gagne même pas assez pour me soigner. Les autorités consulaires de mon pays ne font rien pour informer correctement leurs ressortissants français. On nous donne une information et puis le mois d'après, on nous dit autre chose… Pour toute démarche de mariage, on nous conseille de prévoir un délais de 8 mois, mais après tout ça, il semblerait qu'il faille prévoir plutôt 18 mois !!! Tout ça pour un seul certificat ! Ne parlons même pas du mariage en lui même et de la publication des bans…

Vive la France et ses administrations !

Déc 112013
 

 

A lire sur le site du Midi Libre, un article du 11 décembre 2013 retrace le parcours de femmes conjointes de français victimes de violences conjugales. 

 

Elles sont aujourd'hui menacées d'expulsion, après avoir quitté leur mari violent et déposé plainte auprès des services de police. C'est la rupture de la vie commune qui est mise en cause par l'administration. Absurde et cruel.

 

"GARD : battues, elles déposent plainte et sont expulsées"

Par Laure Ducos

Trois Gardoises mariées à des Français ont reçu une obligation de quitter le territoire après avoir averti la police des sévices qu’elles subissaient. Explications.

 

Le rendez-vous est pris. À la nuit tombante, dans un lieu tenu secret, trois femmes d’une beauté pleine de dignité s’avancent, collées les unes aux autres. Chaque mot qui sera alors prononcé sera pesé, empli de méfiance. Elles sont terrorisées. Et vivent en permanence cachées, dans la peur. Nadia, Layane et Sherazade (1) ne se connaissaient pas, mais aujourd’hui, ces femmes vivant dans le Gard sont plus que jamais liées par leur histoire : battues pendant des mois, voire des années, elles ont porté plainte contre leur mari pour violences conjugales et se retrouvent à cause de cela dans une situation ubuesque.

La rage d’obtenir un semblant de justice

La préfecture leur a signalé leur obligation de quitter le territoire juste parce qu’elles ont quitté leur bourreau (2), au motif qu’elles n’ont ni enfant et qu’elles ont rompu la vie commune. Trois femmes courageuses, qui oscillent entre désespoir, larmes mais aussi la rage d’obtenir un semblant de justice. Trois femmes qui, par leur obstination, forcent le respect. Trois parcours quelque peu différents, avec la même issue.

"Je ne savais pas que ce n’était pas normal"

Sherazade n’a pas 30 ans. Les larmes aux yeux, elle raconte son calvaire au quotidien avec ce Français venu "l’acheter" dans son pays. "Il était très âgé et très riche. Mes parents ont cru que je serai bien avec lui, en France." Mais à son arrivée dans la maison gardoise, "après le déchirement d’avoir quitté les miens", la toute jeune femme comprend très vite ce qu’elle va devoir endurer, et ce pendant des années.

"J’étais comme son esclave. J’avais l’impression d’être mariée avec mon grand-père. Je ne peux pas dire tout ce qu’il m’a fait subir, les insultes racistes me faisant comprendre que je n’étais rien, les coups, les objets jetés sur mon visage et surtout les sévices sexuels que je devais accepter." Ne parlant pas le français, elle ne pouvait pas se défendre, même avec des mots. "J’ai tout gardé en moi, mes parents ne sont pas au courant et surtout je ne savais pas que ce qu’il faisait n’était pas normal, ni condamné par la loi."

"Je m’en veux de ne pas m’être défendue"

La jeune épouse, interdite de sortir, est (heureusement) tenue de se rendre à des cours de français afin d’obtenir son titre de séjour. "La formatrice m’a aidée, m’a fait comprendre que je pouvais avoir une autre vie. "Par la suite, elle décide de commencer des études. Son époux refuse, la met dehors et porte plainte contre elle pour violences. "Je ne l’ai jamais frappé. Et pourquoi ? Je m’en veux de ne pas m’être défendue." Aujourd’hui, elle vit recluse mais se reconstruit doucement et a même obtenu un travail en CDI.

Nadia, la quadra du groupe, essaie de ne pas trop montrer son émotion. "Le jour où je suis rentrée chez lui, je n’étais plus rien", avoue-t-elle la gorge serrée. Interdite de regarder la télé ou de s’asseoir sur le canapé, elle devait obéir à celui qui avait été si charmant avant leur mariage. "Mais que faire d’autres, à part accepter. Accepter l’humiliation, les coups et tout le reste."

Si elle revient, il la tuera

Un jour, l’homme se lasse, la jette dehors et lui annonce que si elle revient, il la tuera. La première nuit, elle dormira dans la rue, puis elle sera accueillie par une dame avant d’entamer des démarches. "Pour pouvoir bénéficier d’aides, il fallait que je porte plainte." La peur au ventre, elle s’exécute. Elle travaille alors dans le nettoyage jusqu’à la notification de la préfecture.

 Depuis, elle se terre et malgré une promesse d’embauche en CDI, l’administration ne veut rien entendre. "Pour mes proches, j’aurais dû rester avec lui. Comment prouver ce qu’il se passe dans le huis clos d’une maison."

"J’étais folle de lui. Les coups sont tombés très rapidement"

Contrairement aux deux autres, Layane, la vingtaine, a fait un mariage d’amour, ni forcé, ni arrangé. "J’étais folle de lui, annonce-t-elle, les yeux pétillants. Les coups sont tombés très rapidement. J’ai pardonné maintes fois, à chaque fois…" Jusqu’au jour où la voisine prévient la police. "Il m’a mis dehors et menacée." Après sa plainte, certificats médicaux à l’appui, il la tabassera dans la rue. Mais comme ses consœurs de circonstance, toutes ses dépositions seront classées sans suite. "On est victimes quatre fois : de notre famille, nous ne sommes plus les bienvenues, des coups de nos maris, de la justice, qui a classé les affaires, et de l’administration du pays des droits de l’Homme." Elle aussi est intégrée dans notre société, elle a un CDI et loue même un petit appartement.

"Eux, ils ont été violents, ils ne risquent rien. Nous, nous sommes victimes, voire esclaves, et on a tout risqué. On veut rester en France, rien, ni personne ne nous attendent dans notre pays." Et finalement, en leur envoyant une notification d’expulsion, l’État ne donne-t-il pas raison à ces hommes ? Ces femmes, sans leur mari, ne sont rien et n’ont aucun droit.

 
 Publié par le 11 décembre 2013