Mai 212013
 

« Le principe de continuité du service public et d’égal accès pour les administrés sont méconnus. La discrimination est patente. Le droit élémentaire des étrangers en situation irrégulière de voir leur demande d’admission de séjour examinée est ainsi bafoué. » 

 

Le groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), la Cimade, Les amoureux au ban public et l’Association de juristes pour la reconnaissance des droits fondamentaux des immigrés dénoncent des conditions d’accueil indignes au bureau des étrangers de la préfecture des Bouches-du-Rhône et ont saisi vendredi 17 mai 2013 le tribunal administratif de Marseille d’une requête en référé à l’encontre du préfet. Cela se passe ici et maintenant. Rue Saint-Sébastien, dès 2010, les reportages de la presse locale témoignaient d’interminables files d’attente des demandeurs d’une première carte de séjour devant les guichets du bureau des étrangers qui accueillent le public du mardi au vendredi, de 8h15 à 12h. En dépit de l’alerte, rien n’a bougé. Aujourd’hui, seuls « 10 à 15 d’entre eux par jour » se voient autorisés à accéder au guichet où sera examinée sa demande de régularisation.

Ces étrangers sont contraints de passer une, voire trois nuits, sur place, selon s’ils viennent d’Arles ou de Marseille, pour espérer obtenir un ticket de passage. Dormant « dehors, sur les marches de la préfecture, au mieux dans leur voiture, sans sanitaires, ils sont soumis à des conditions d’attente indignes et dégradantes », déplorent les associations.

 

Les tickets monnayés

 

Dans la requête, les exemples déplorables pleuvent sur la rue Saint-Sébastien. Ainsi une juriste bénévole relate-t-elle à propos d’un étranger qu’elle a accompagné trois fois sur les huit où il s’est présenté au bureau : « Les deux premières fois, il est arrivé à 4h, puis de plus en plus tôt (minuit le 29 juin 2012, 19h30 le 2 juillet) en vain.» Elle relève également « la mise en place d’un système de monnayage des places dans une liste tenue par deux hommes et dressant l’ordre de passage du lendemain ».

 

Afin que cesse ce scandale, les association demandent « l’ouverture des guichets dans les sous-préfectures ainsi que le prévoit la législation, la fin du numerus clausus, la remise de convocations nominatives dans un délai raisonnable aux étrangers dont la demande n’a pas pu être examinée et la mise en ligne des formulaires de demande de carte de séjour ». Enfin, « subsidiairement », en toute logique et avec un soupçon de cynisme : « la prise de mesures d’ordre sanitaire, comme l’installation de bancs, la construction d’un auvent et de toilettes sur le trottoir. »

 

Le juge du tribunal administratif doit donc statuer d’ici un mois sur cette requête. En référé, il peut décider d’une audience publique ou de statuer seul dans son bureau. « Le débat existe mais il n’y a toujours pas de jugement sur le fond, explique maître Clément Dalançon, qui plaide pour les associations avec maître Philippe Pérollier, s’il n’y a pas audience, il n’y a pas de réponse sur le fond. »

 

Par Myriam Guillaume

lire l'article sur le site de la Marseillaise

 

Mai 102013
 

Lorsque j'étais arrivé à Marseille, la situation m'avait étonné. Pour filtrer les premières demandes de séjour – et ainsi réduire en amont le nombre d'admissions possibles, la préfecture ne laissait chaque matin qu'une dizaine d'étrangers déposer leur dossier, ce qui les obligeait tous à faire la queue toute la nuit, dans des conditions d'hygiène et parfois de sécurité douteuses (A Marseille, les étrangers à bout). Le tribunal administratif de Marseille (TA) avait été saisi en avril 2011 en référé-suspension, les requêtes avaient été rejetées pour défaut d’urgence mais le préfet avait fait réorganiser le service d’accueil des étrangers. La situation s'était améliorée plusieurs mois. Avant de se détériorer de nouveau, dès l'automne 2011. Alors, deux avocats déposent ce matin une requête en "référé mesures utiles", toujours devant le TA, au nom de quatre associations. Le Gisti, la Cimade, les Amoureux au ban public et l’Association de juristes pour la reconnaissance des droits fondamentaux des immigrés.

Actuellement, les premières demandes de titre de séjour temporaire ainsi que celles d’admission exceptionnelle au séjour par le travail ne sont reçues que quatre matins par semaine, "et seul un nombre limité d’étrangers, variant entre dix et quinze par jour, se voit remettre un ticket leur permettant d’accéder au guichet", notent les avocats, Clément Dalançon et Philippe Pérollier. Dix à quinze tickets pour toutes les Bouches-du-Rhône puisque les sous-préfectures refusent pour leur part d'enregistrer ces demandes. "Il en résulte une situation intolérable puisque les étrangers sont contraints de faire la queue toute la nuit, et parfois même plusieurs nuits de suite, pour espérer obtenir un ticket et voir leur demande enregistrée." Soit une atteinte à la dignité humaine, une discrimination, une rupture de la continuité du service public, et une violation des droits élémentaires des étrangers en situation irrégulière, estiment les associations.

La situation permet à quelques négociants en misère humaine de faire leur bon beurre. Un intermédiaire qui bénéficie visiblement de quelques entrées à l'intérieur de la préfecture, monnaie par exemple ses services, promettant de faire passer des dossiers en priorité, contre espèces sonnantes et trébuchantes de préférence.

Les associations ont accumulé de très nombreux témoignages de militants associatifs, d'accompagnateurs d'étrangers venus patienter devant la préfecture, de juristes, etc. Ils racontent en détail tout cela. Les nuits, les guichets transformés en entonnoir, les intermédiaires véreux. Une vingtaine de dépositions accompagne la requête, qui demande au tribunal d'imposer la fin du numerus clausus, d'imposer aux sous-préfectures de recevoir les premières demandes de cartes de séjour, et de permettre le retrait des dossiers de demande sur internet, pour éviter de faire deux fois la queue. A titre subsidiaire, les associations réclament que l'on installe au moins un auvent et des bancs publics devant le bâtiment préfectoral, et des toilettes publiques à proximité.

Par Ol.B.

 

Lire l'article sur le Blog Les chroniques de Mars, d'Olivier Bertrand, correspondant à Marseille pour Libération