Déc 162013
 
    Bien qu’il soit garanti par la Constitution et les Conventions internationales de protection des droits de l’Homme, le respect de la liberté du mariage se heurte à un certain nombre de difficultés concernant les couples franco-étrangers. Les maires et officiers d’état civils sortent régulièrement de leur seule mission, la célébration des mariages, pour devenir les acteurs du contrôle de l’immigration. Le spectre sans cesse agité des "mariages blancs" et "mariages gris", a conduit à l’enracinement d’une suspicion généralisée.
 
 Lorsqu’un couple franco-étranger souhaite se marier, les futurs conjoints doivent se présenter ensemble à la mairie pour retirer un dossier, sauf empêchement ou résidence à l’étranger de l’un des membres du couple. Une fois le dossier déposé, l’officier d’état civil procède à l’audition des futurs époux, en vertu de l’article 63 du Code civil. Toutefois, l’officier d’état civil peut dispenser les futurs époux de cette audition, destinée à dissuader les mariages simulés. Elle doit être réservée « aux seules situations dans lesquelles un doute sur la volonté matrimoniale existe ».
 
    Si au vu du dossier et de l’audition il existe un doute sérieux sur le consentement des futurs époux, l’officier d’état civil peut transmettre  « sans délai » le dossier au procureur de la République et doit informer le couple de cette saisine. Cette procédure ne doit être mise en oeuvre que dans les cas où il existe plusieurs éléments objectifs constituant des indices sérieux de nature à faire présumer que le mariage projeté est vicié et dénué de toute intention matrimoniale.
 
    L’irrégularité du séjour du futur conjoint n’est pas un obstacle au mariage. Les agents d’état civil ont pour mission de vérifier l’état civil et non la régularité du séjour. De plus, aucune disposition législative ne subordonne la célébration d’un mariage à la régularité de la situation d’un étranger. 
 
"Pourquoi ne vous êtes-vous pas choisi un français ?"
 
    Avril 2013
    
      Un couple franco-algérien du Nord Pas-de-Calais dépose un dossier de mariage dans sa mairie de résidence. Une quizaine de jours plus tard, le couple est reçu en mairie pour une audition.
      Suivra une attente de plusieurs mois, sans que les bans ne soient publiés et sans proposition de date pour la célébration.      
      
    Octobre 2013 
    
   Le couple reçoit un appel des services de police. Une audition doit avoir lieu dans les plus brefs délais. C'est la future conjointe, de nationalité française, qui sera reçue la première.
    Très vite, les propos de l'agent de police qui mène l'audition se portent le projet de mariage du couple et sont sans appel : "Pourquoi ne vous êtes-vous pas choisi un français ?", "Il n'y a pas de travail pour les étrangers ici, votre mari n'est d'aucune utilité pour la société française"…    À l’issue cet entretien, une convocation est remise à Madame qu’elle doit transmettre à son compagnon, étranger : il devra se présenter au commissariat muni de son passeport. 
 
    Craignant d’être placé en centre de rétention administrative puis expulsé, il décide de se cacher.
   Une semaine plus tard, la jeune femme est de nouveau convoquée au commissariat. Enceinte de six mois, elle se munit malgré tout de document médicaux afin de prouver aux agents de police suspicieux la réalité de son état de grossesse. Cette fois-ci, les agents ne se contentent pas de tenir des propos désobligeants, et vont jusqu’à proférer des menaces : « Vous aurez des problèmes si vous hébergez un sans papier », « Nous viendrons l’attraper à la maternité le jour de l’accouchement ». Face aux insinuations de la police et sous pression suite à cette deuxième audition, elle signe un procès-verbal déclarant qu’elle retarde son mariage avec son compagnon tant que ce dernier n’aura pas régularisé sa situation administrative. 
    
    Jusqu'à présent, ni la mairie, ni le parquet n'ont notifié au couple l'existence d'une saisine. Ces derniers n'ont donc jamais eu connaissance des motifs qui ont poussé la mairie à saisir le Procureur de la République, ni des possibilités de contestation de la décision.
 
Les Amoureux au ban public ont donc saisi le Défenseur des droits afin de dénoncer cette situation alarmante, qui n'est pourtant pas inédite.
Les règles de déontologie doivent être respectées par les personnes dépositaires de l'autorité publique, qui devraient agir dans le cadre légal de la loi uniquement. Des menaces, qu'elles soient fausses ou infondées n'ont pas à être proférées par les autorités publiques.
 
S'il s'avère que la procédure n'a pas été respectée par la mairie, le couple pourrait demander à être marié dans les plus brefs délais et ainsi faire en sorte que leur liberté matrimoniale soit respectée.
Qu'en est-il de l'attitude des agents de police, des propos tenus au cour des auditions et appels téléphoniques, des menaces en dépit de l'état de grossesse de la future mariée, et de l'influence d'une telle enquête sur la décision du Procureur de la République, qui saisi dans les délais légaux, peut s'opposer au mariage ?
 
Pour que leur droit de mener une vie familiale soit pleinement respecté, les Amoureux au ban public demandent le respect de la vie privée par la limitation des enquêtes et auditions portant sur la réalité de l'intention matrimoniale et de la communauté de vie : l'arrêt du caractère systèmatique et répétitif des ces enquêtes et leur encadrement rigoureux.
 Publié par le 16 décembre 2013