Juil 222014
 

 

Attendu depuis près de 2 ans, et sans cesse reporté, le projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile (CESEDA) sera finalement présenté  demain mercredi 23 juillet au Conseil des Ministres.

On aurait pu penser que ce délai était nécessaire à la mise en place d’une réelle rupture avec le système mis en place par le gouvernement précédent, mais le projet actuel s’inscrit dans la continuité des politiques migratoires à l’œuvre depuis les dix dernières années. Une fois de plus, on assiste à une valorisation de l’immigration « choisie » (talents, scientifiques, chercheurs, salariés qualifiés…) au détriment de l’immigration familiale jusqu’alors qualifiée de « subie », contribuant ainsi à la stigmatisation systématique des couples et familles franco-étrangers.

Dans le projet de modification du CESEDA tel qu’il a été communiqué, il apparaît clair que la protection de la vie privée et familiale des migrants n’est pas à l’ordre du jour. De plus, aucune avancée concrète n’est prévue pour les familles franco-étrangères, or les dispositifs envisagés auront bien un impact sur les procédures qui les concernent.

En annonçant la carte pluriannuelle comme l’innovation majeure de ce projet de loi, le gouvernement semblait avoir pris conscience de l’importance de sécuriser le parcours administratif des étrangers. Or, la mise en place de la carte pluriannuelle d’une durée maximale de quatre ans, et renouvelable, s’inscrit en réalité dans un système organisant un accès progressif,  mais non garanti, à la stabilité du séjour.

Il ressort de la lecture de ce projet que l’étranger sera soumis à un processus relativement lourd afin de prouver sa légitimité à l’obtention de la carte pluriannuelle, sans compter que la délivrance de la carte de résident demeure une simple possibilité pour l’administration puisque que la carte pluriannuelle est renouvelable.

Les Amoureux au ban public sont particulièrement préoccupés par l’étendue significative des pouvoirs conférés à l’administration en matière de contrôle. D’après le projet de loi, les autorités administratives auront la  possibilité de s’adresser à tout moment, y compris pendant la durée de validité du titre de séjour, à d’autres acteurs de la vie publique afin de se voir communiquer des informations ou des documents relatifs à l’étranger.

Les services visés sont excessivement nombreux car outre l’administration des impôts, sont cités les autorités chargées de l’état civil, les organismes de sécurité sociale ; les collectivités territoriales ; les chambres consulaires ; les établissements scolaires et d’enseignement supérieur ; les fournisseurs d’énergie, les services de télécommunication et d’accès internet ; les établissements de soin publics et privés ; les établissements bancaires et les organismes financiers ; les entreprises de transport des personnes le sont également…

Alors que les pratiques préfectorales sont régulièrement dénoncées par l’intégralité des acteurs associatifs intervenant en droit des étrangers, il est alarmant de constater que l’Etat a fait le choix de sacrifier les libertés individuelles au profit d’un contrôle toujours plus important de la part de l’Administration, au motif de la lutte contre la fraude. Il est à craindre que les couples et familles franco-étrangers,  mais également toute personne se prévalant de liens personnels et familiaux en  France soient soumis à des contrôles de plus en plus poussés, au détriment du respect de leur vie privée.

Pour plus d’information, retrouvez l’intégralité du projet de réforme sur le site de la Cimade.

Juil 012013
 

L'étranger, "ce pelé, ce galeux, cet envahisseur, ce pourrisseur de la vie ensemble": au delà de la phase de récit grossièrement fabulé, la xénophobie se généralise dans le comportement des administrations, dans les rapports et les textes officiels. On en est arrivé à la désorganisation programmée de la vie des gens nés ailleurs.

"Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis; tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, – y vit par son travail – ou acquiert une propriété – ou épouse une Française – ou adopte un enfant – ou nourrit un vieillard; tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité – est admis à l'exercice des droits de citoyen français". C'est l'article 4 de la Constitution de 1793, cité par Eric Hazan (Une histoire de la Révolution française, La fabrique éditions 2012). Est-il utile de souligner le parallèle avec le droit de vote des étrangers installés en France toujours remis à plus tard ? 

[…]

Autre fondement de notre société, encore plus profond symboliquement – plus que réellement, à en juger par l'évolution des moeurs et des habitudes -, le mariage est dans le collimateur xénophobique. Sur ce front, on pouvait penser que la lutte contre ce vecteur de renouvellement était déjà bien assez destructrice avec les dispositifs d'empêchement de mariages franco-étrangers. Eh bien, non! On pouvait encore raffiner. Ainsi, une circulaire du ministère de la Justice est venue préciser que le tout nouveau mariage entre personnes de même sexe est d'emblée interdit aux personnes de nationalité française avec des ressortissants de onze pays: Maroc, Algérie, Tunisie, Laos, Cambodge, Pologne, Serbie, Kosovo, Bosnie-Herzégovine, Slovénie et Monténégro. En vertu d'accords bilatéraux avec ces pays (ou la défunte Yougoslavie pour les cinq derniers). Contrairement au cas de l'enseignement privé, ici c'est l'incohérence qui punit les étrangers. On peut aussi penser que le ministère de la Justice fait de l'excès de zèle en projetant la lumière sur ces accords. Selon Flor Tercero, présidente de l’association des avocats pour la défense du droit des étrangers (ADDE), "à la limite, un maire tatillon aurait pu les ressortir et la justice aurait tranché. Mais il n’y avait aucune raison de les mentionner dans la circulaire, à moins que ce ne soit pour éviter les mariages blancs. Mais croire à un appel d’air, c’est absurde".

Revoilà la peur, supposée politiquement payante, des mariages blancs. D'ailleurs, certains rêvent d'interdire purement et simplement le mariage en France à une catégorie d'humains indésirables: "Parmi [les étrangers en situation irrégulière], beaucoup n’hésitent pas à se marier avec un(e) Français(e) dans le but d’obtenir un visa, et ainsi le droit de rester vivre en France (…). Le droit français permet actuellement à une personne étrangère en situation irrégulière sur le sol français de se marier. (…) La législation actuellement en vigueur est une brèche dans le système de lutte contre les mariages blancs ou gris notamment. Il est donc important d’y remédier.". Une petite quarantaine de députés pensent avoir trouvé la parade à cette menace quasi-terroriste: "Le mariage ne peut être célébré si l’un des futurs époux se trouve en situation irrégulière sur le sol français". C'est un article à insérer dans le code civil selon une proposition de loidéposée le 24 juillet 2013.

Empêcher le mariage des "indésirables" ne peut qu'avoir des effets limités. On n'en est pas encore à interdire la procréation d'indésirables, mais ces petits héritiers sont eux-mêmes un "problème", semble-t-il. A telles enseignes que l'on voit de plus en plus de refus d'inscription en maternelle sous des prétextes divers. Ainsi, une jeune mère marocaine, séparée de son époux violent, et français, se voit réclamer l'autorisation du père (en mission à l'étranger) pour inscrire son enfant, français lui-même, En contradiction avec la circulaire du 20 mars 2002 relative aux modalités d’inscription et de scolarisation des élèves de nationalité étrangère des premier et second degrés, qui indique que « l’inscription dans un établissement scolaire ne peut être subordonnée à la présentation par la personne qui inscrit l’enfant d’un acte de délégation de l’autorité parentale ». Le Défenseur des Droits est saisi pour des pratiques semblables en Guyane, laboratoire départemental d'expérimentation in vivo de pratiques d'amputation de droits.

La xénophobie va jusqu'à s'incruster dans des textes judiciaires. Ainsi, la Cour d'appel de Lyon vient d'innover en mentionnant à deux reprises la nationalité arabe d'un Marocain!

 

Martine et Jean-Claude Vernier

 

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