Déc 082012
 

Les associations présentes dans les centres de retention viennent de publier leur rapport annuel 2011 (Assfam – Forum Réfugiés – France Terre d’Asile – La Cimade – Ordre de Malte).

Quelques extraits qui évoquent des situations de personnes étrangères pacsées, mariées à des Français(es) ou parents d’enfant français et placées en rétention :

 

Faire du chiffre au détriment des droits : une année 2011 hors norme

La politique du chiffre au détriment des droits

Dès l’entrée en vigueur de la loi, le 18 juillet 2011, les placements en rétention ont repris en nombre afin de remplir les objectifs chiffrés fixés en début d’année par le ministre de l’Intérieur. Il s’agissait alors de rattraper le nombre de placements exceptionnellement bas des premiers mois de l’année 2011, particulièrement d’avril à juin. Cette politique du chiffre a conduit à des violations des droits des personnes, notamment lors du placement d’étrangers parents ou conjoints de Français, vivant en France depuis plus de dix ans ou arrivés en France à un très jeune âge. (p.21)

L’application de la loi du 16 juin 2011enfermer plus longtemps et réduire les droits, pour éloigner plus facilement

Une utilisation hétérogène et parfois abusive des IRTF par l’administration

En Guadeloupe et dans les Yvelines, des IRTF ont été notifiées à des personnes malgré leur présence en France depuis de nombreuses années et l’existence d’enfants à charge nés français. En Guyane, des IRTF ont été notifiées à des conjoints de Français. (p.27)

Des voies de recours difficiles à exercer

Le contentieux administratif a permis de sanctionner les notifications abusives d’IRTF.

Pourtant, il n’existe pas de réelle harmonisation de l’interprétation faite par les tribunaux de cette mesure. Cette disparité peut se constater au sein d’une même juridiction. Ainsi le tribunal administratif de Lyon n’a pas annulé une IRTF prise par la préfecture de l’Isère contre un ressortissant algérien dont la compagne française était enceinte de quatre mois, alors même que les requêtes formées auprès de ce tribunal en vue d’une annulation de l’IRTF aboutissent régulièrement à des annulations. (p.28)

L’impact de la rétention sur la vie privée et familiale des personnes

Au CRA de Guadeloupe, c’est un père d’enfant français qui n’a pu assister à la naissance de son enfant. Heureusement, certaines situations connaissent des issues favorables. Il en va ainsi pour monsieur T. qui faisait l’objet d’une OQTF contestée par son avocate et était en attente d’une date d’audience lorsqu’il a été interpellé et placé au CRA du Mesnil- Amelot. Son épouse était alors enceinte de 8 mois et devait accoucher très prochainement. La décision de placement en rétention a été contestée, le TA a fait droit à la demande de monsieur qui a ainsi pu assister à la naissance de son enfant. (p.39)

Outre-mer « Loin des yeux, loin du droit »

La fin officielle du moratoire [concernant les ressortissants haïtiens] depuis une partie de l’Outre-mer

En pratique, tel n’a pas été le cas. En effet, dès juillet 2011, deux pères d’enfant français, un conjoint de Français, deux femmes seules et isolées en cas de retour, plusieurs pères de famille dont les enfants étaient scolarisés en Guadeloupe, des personnes dans une situation médicale précaire et des personnes âgées ont été reconduites depuis le CRA de Guadeloupe.

CRA de Coquelles (FTDA)

Expulsion vers son pays d’un Afghan parent d’enfant français

Un afghan père d’enfant français a été placé au CRA de Coquelles sur le fondement d’une ITF prononcée dans le cadre d’une condamnation pénale pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier. Suite à la naissance de son enfant en 2010, il entame des démarches auprès de la préfecture pour régulariser sa situation sans savoir que sa demande est vouée à l’échec puisqu’il n’a pas demandé le relèvement de son ITF.

Il est interpellé au guichet alors qu’il remet son passeport dans le cadre de sa demande de régularisation en tant que parent d’enfant français. Sa compagne se présente dès le lendemain matin de son placement pour apporter les documents nécessaires au soutien des recours qu’il peut engager. Cependant, les policiers refuseront qu’elle voie son compagnon qui est placé dans un camion l’emmenant à Roissy pour prendre un vol vers l’Afghanistan. La saisine du ministère par France terre d’asile n’empêchera pas l’éloignement qui semble avoir été préparé en amont avec l’interpellation à la préfecture d’Arras.

CRA de Lilles-Lesquin (Ordre de Malte)

Environ une quinzaine de situations de « vie privée et familiale » ont été rencontrées, le plus souvent des futurs conjoints de Françaises ayant pour projet de se marier. Il arrive que la future épouse soit enceinte. Dans ces cas particuliers, la première difficulté rencontrée est l’absence ou le peu de preuves. À noter également le cas des pères de familles placés seuls au centre et se retrouvant séparés de leur famille à l’extérieur.

Nous avons rencontré par ailleurs, le cas d’un homme placé seul avec sa femme résidente en France à l’extérieur, ou encore d’un retenu marié uniquement religieusement avec une française.

Dans tous ces cas, il y a peu d’annulations des mesures d’éloignement par le juge administratif.

Cependant, il arrive que le placement en rétention soit annulé, notamment depuis la loi du 16 juin 2011, sur les garanties de représentation.

CRA de Marseille (Forum Réfugiés)

 Ce témoignage est l’un des rares cas dans lesquels une personne étrangère a pu obtenir une assignation à résidence ministérielle au cours de sa rétention afin de vivre aux cotés de ses enfants français. De nombreuses demandes d’assignation à résidence sollicitées par l’association auprès du ministère de l’intérieur restent sans réponse, et ces parents d’enfant français sont régulièrement expulsés vers un pays dans lequel ils n’ont plus d’attache familiale.

M. C, ressortissant algérien, arrive au centre le 7 mai. Il est arrivé en France en 1987 muni d’un visa touristique et s’est maintenu sur le territoire. Il devient parent d’un premier enfant français en 1995. Malheureusement, en 1998, il est interpelé pour trafic de stupéfiants et est condamné à une peine de prison de 30 mois fermes. En 1999, malgré un avis défavorable de la commission d’expulsion, un arrêté ministériel d’expulsion est pris à son encontre. M. C devient père à deux autres reprises. Il se marie en Algérie en 2006 avec une ressortissante française. Son acte de mariage est transcrit sur les registres de l’état civil français et un livret de famille lui est délivré.

Cependant, entre 1999 et 2008, il sera reconduit quatre fois en Algérie, et reviendra toujours sur le territoire français retrouver sa famille, ses enfants.

Lorsqu’il est de nouveau placé en rétention à Marseille, il est en attente de la réponse du ministère de l’intérieur à sa demande d’abrogation de cette mesure. Ce n’est qu’à l’issue de 16 jours de rétention, que le ministère lui accorde une assignation à résidence au motif que depuis sa condamnation de 1998, M. C n’a commis aucun délit et en raison de la présence en France de sa femme et de ses trois enfants français. Après ce qu’il qualifie lui-même d’ « erreur de jeunesse », il lui aura fallu 12 ans pour obtenir la permission de vivre régulièrement en France auprès de sa famille.

CRA de Mayotte (Pas de salarié mais des bénévoles du Groupe Local de la Cimade sont habilités à intervenir au sein du CRA)

Les exemples suivants montrent les types de situations qui conduisent ces bénévoles à saisir la préfecture.

« – Une mère d’enfant français, elle-même de mère française, arrêtée vendredi avec son bébé de quelques mois, mise de côté samedi matin grâce aux documents qu’a faxés le père depuis La Réunion, APRF levé lundi.

– Lundi midi, suite à un appel de La Cimade, la PAF fait descendre un parent de 3 enfants français du bateau. Le chef du CRA ira de son commentaire : « vous voyez, je fais bien mon

travail ». APRF levé mardi.

CRA du Mesnil-Amelot (Cimade)

M.B. est père d’un enfant français. Sa compagne, atteinte d’une maladie chronique grave, ne peut plus s’occuper de leur fils. Avant la naissance de son enfant, M. B. était accro à l’héroïne. Braquages, violence, détention. En prison, il fait une cure, se sèvre, reprend ses études et travaille. Le jour de sa sortie de prison, il se dit que c’est enfin une deuxième chance. Mais l’administration décide de l’expulser. Le 32ème jour de sa rétention, monsieur B. avale la batterie de son téléphone portable pour échapper à l’expulsion… retour à la case prison. Puis, au bout de quelques mois, retour au Mesnil Amelot. La rétention est passée entre-temps à 45 jours. C’est en tentant de s’immoler par le feu qu’il

échappe à la deuxième tentative d’expulsion. Les histoires comme celle-ci se répètent à l’infini.

 

CRA de Metz-Queuleu (Ordre de Malte)

L’association a rencontré de nombreux cas de personnes devant se marier et ayant publié les bans mais qui n’ont cependant pas été libérées par le TA car elles n’ont pu prouver une durée de relation suffisamment longue.

Sont également fréquents les cas de pères d’enfants français qui ne peuvent établir qu’ils participent à l’éducation et à l’entretien de leurs enfants, la reconnaissance de paternité de l’enfant n’étant pas suffisante à elle seule.

CRA de Palaiseau (FTDA)

La double peine existe toujours : expulsion d’une personne sortant de prison, placée sur le fondement d’une ITF, malgré son enfant français

Un ressortissant congolais âgé de 35 ans, arrivé mineur en France à l’âge de 16 ans et ayant toute sa famille de nationalité française en France, dont un enfant mineur de nationalité française, a été placé en rétention sur le fondement d’une interdiction du territoire français après avoir purgé une peine de 10 mois d’emprisonnement à la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis pour escroquerie.

Compte tenu de sa situation, et notamment du fait qu’il n’avait plus aucune attache familiale au Congo, il est ahurissant qu’il ait pu faire l’objet d’une telle peine. L’ensemble des recours intentés en sa faveur ont été rejetés. Il a finalement été éloigné de force, après s’être déféqué dessus selon ce qui nous a été rapporté par le chef de centre.

De manière générale, il semble que les faits à l’origine de la condamnation à une peine d’emprisonnement, ayant par définition été purgée, continuaient à être pris en compte à l’occasion du contentieux sur la rétention. Les personnes sortant de prison ont en effet davantage de difficultés à faire valoir leurs droits devant les différentes juridictions.

CRA de Perpignan (Cimade)

Monsieur M. a été interpellé dans les locaux de la PAF suite à une convocation pour « enquête mariage ». Il s’est vu notifier au commissariat une OQTF sans DDV (l’absence de DDV n’était ni mentionnée ni motivée). La PAF a programmé un vol dans les 48h du délai de recours au TA . Ayant introduit un recours devant le TA , ce vol a finalement été annulé. Le TA a confirmé l’OQTF et a validé l’absence de DDV malgré le fait que la préfecture n’en a même pas fait mention dans son OQTF . Le JLD (TGI et Cour d’Appel) a quant à lui validé la procédure d’interpellation suite à la convocation à la PAF et ce malgré une jurisprudence constante de la Cour de cassation invalidant ce type d’interpellation. Monsieur M. a été reconduit à la frontière.

 

CRA de Rennes (Cimade)

Au cours de l’année 2011, nous avons rencontré un grand nombre de personnes faisant état de sérieuses attaches en France, marié (e) s ou pacsé (e) s à des Français. De nombreux pères de famille également, placés au CRA alors que la Préfecture avait parfaitement connaissance de la présence en France du reste de la cellule familiale. Plusieurs pères ou mères de famille ont été placés alors qu’ils étaient les seuls responsables légaux des enfants restés seuls à l’extérieur.

En juillet, une très jeune mère nigériane a été réadmise en Espagne alors que son bébé de 9 mois était à Paris.

Pour certaines de ces personnes, les préfectures avaient pris des mesures d’interdiction de retour sur le territoire français. Une femme d’origine camerounaise pacsée à un français et qui ne s’opposait pas à son retour a été frappée par une « mesure de bannissement » de trois ans.

CRA de Sète (Cimade)

 Conjoint de Français

– M. O., de nationalité turque, est entré en France en 2007. Il est marié à une ressortissante française depuis le 25 octobre 2008. Il dispose d’un passeport en cours de validité. Il fait l’objet d’une OQTF définitive quand il arrive en rétention. Il conteste l’arrêté de rétention devant le TA et en obtient l’annulation.

– M. M., de nationalité comorienne, est entré en France en 2002. Il est marié à une ressortissante française depuis le 23 décembre 2002. Sa compagne est handicapée et a 6 enfants. Le procureur de Perpignan avait demandé l’annulation du mariage, ce que le tribunal de Perpignan a invalidé. Une demande de titre de séjour a été déposée à la préfecture, qui rejette implicitement cette demande. Par la suite, le tribunal administratif annule le refus de séjour. Une carte de séjour est délivrée en 2009. Au renouvellement de sa carte, l’administration refuse de lui délivrer un nouveau titre. Au contraire, elle prend une OQTF à son encontre le 31 mai 2011. Suite à son interpellation, le préfet de l’Hérault le place en rétention administrative. Un recours contre le placement en rétention est formé. Alors que M. M. ne dispose pas de passeport, le tribunal conclut à l’erreur manifeste d’appréciation eu égard à sa situation familiale.

A NOTER : Plusieurs CRA ont évoqué des placements suites à des interpellations lors de convocations dans le cadre d’un enquête pour mariage.

 Publié par le 8 décembre 2012

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