Avr 162015
 

Je suis née en Europe et j’habite en France depuis octobre 2004. Avant que mon mari d’origine sud-américaine ne vienne s’installer à Paris en mars 2013, j’ai visité plusieurs points d’accès au droit, permanences juridiques et autres afin de me renseigner sur les différentes possibilités d’obtention d’un titre de séjour pour lui.
Après l’arrivée de mon mari, nous avons refait plus ou moins le même tour des renseignements, cette fois ensemble, avec d’autres idées et questionnements. Le 22 juillet 2013, juste après notre mariage nous avons commencé les démarches pour la demande d’un titre de séjour en tant que conjoint d’un ressortissant de l’Union Européenne.

Notre premier rendez-vous à la préfecture de police de Paris nous a été donné pour le 7 octobre. Lors du rendez-vous, mon mari s’est vu délivrer un premier récépissé pour une durée de trois mois, mais on nous a dit que notre dossier était faible. Un autre rendez-vous a été fixé le 14 janvier 2014, mais là encore c’est la délivrance d’un nouveau récépissé en raison de « la faiblesse de nos ressources ».

Je donne des cours de piano à domicile depuis 2007. En ce moment je me trouve sans un nombre d’élèves suffisant et touche le RSA activité en complément. Mon mari est activiste socioculturel depuis plus de 30 ans et activiste socio-culturel. Son objectif est d’installer et développer son projet social à Paris, de la même façon qu’il l’a déjà fait au Brésil et dans d’autres pays. Il propose à travers son projet d’améliorer la qualité de vie des jeunes parisiens, spécialement la population à bas revenus.
Un dossier sur le projet ainsi que son CV a été remis à la Préfecture de Police, mais visiblement son potentiel artistique, culturel et de transformation sociale n’a pas été pris en compte.

Le rendez-vous suivant était le 14 avril, mais un frère de mon mari est décédé début mars et il est reparti au Brésil retrouver sa famille. Je suis allée à la préfecture en mai pour expliquer notre situation et voir s’il était toujours possible de continuer nos démarches.
J’ai expliqué à la personne de l’accueil que mon mari avait dû retourner au Brésil et que nous n’avions pas pu nous présenter à la date fixée. Il m’a répondu que lui aussi il aimerait bien être au Brésil maintenant qu’il y a la coupe du monde, et il est parti parler avec son responsable. Il est revenu pour me demander la raison du voyage au Brésil et la date de son retour. Son voyage de retour est prévu pour fin juillet, il m’a dit : « Je suis désolé. Son frère il est décédé quand? » Il a compté les mois et continué : « Quatre mois de voyage ce n’est pas justifié! (il parle sur un ton plus sévère et plus fort). Patientez, s’il vous plait. »
J’ai pensé : « c’est qui ce monsieur pour dire si le temps de voyage de mon mari est justifié ou pas? » Je me suis assise, j’ai respiré profondément et j’ai essayé de garder la calme malgré sa provocation et son attitude agressive.
Après un temps d’attente il m’a demandé d’écrire le motif de la demande de changement de rendez-vous et finalement, sur autorisation du responsable, m’a donné un nouveau rendez-vous le 31 juillet, en précisant clairement que j’ai eu beaucoup de chance et que lui à la place de son responsable, il n’aurait pas fait la même chose.
Il a ajouté sur le ton de la plaisanterie : « votre mari vient de quelle ville? Il faut qu’il m’amène un maillot de son équipe de football ! »
J’ai respiré profondément, répondu et je suis partie.

Le 31 juillet nous avons été reçu au guichet, comme d’habitude par quelqu’un qui transmet notre dossier à son responsable, nous fait patienter et nous appelle à nouveau pour nous donner la réponse. Nous avons fournis tous les documents demandés.
J’ai demandé, en montrant des justificatifs, si ça ne comptait pas le fait que j’habite en France depuis bientôt 10 ans et que je travaille depuis plus de 5 ans. Elle m’a répondu : « Pas vraiment », et nous a demandé de patienter sans prendre mes justificatifs.

Après une vingtaine de minutes environ la responsable, nous a appelés au comptoir de réception. Devant toutes les personnes de la salle d’attente et sans aucune intimité, elle nous a posé quelques questions dans une attitude de supériorité et en parlant assez fort :
« Pour quoi vous vous n’êtes pas présente au rendez-vous d’avril? Il faut me donner ça par écrit ». J’ai répondu que c’est déjà écrit et attaché à la convocation. Elle a cherché parmi tous les papiers du dossier et s’est énervée de plus en plus car elle ne trouvait pas. Elle a mis la main sur le document, l’a lu et elle est passé à autre chose.
« Le problème c’est les ressources. Il n’y a pas assez. On vous a donné déjà 2 récépissés et on ne peut pas faire plus. » En s’adressant à mon mari : « Vous savez que vous pouvez travailler avec ce récépissé ? » L’attitude de supériorité devient méprisante. « Et vous n’avez pas trouvé un travail dans tout ce temps-là? Vous faisiez quoi dans votre pays ? Et vous n’avez trouvé ici pour donner des cours ? ».
Maintenant c’est mon tour; elle s’adresse à moi : « Et vous, vous ne gagnez pas plus que ça ? Je ne peux pas faire plus. On vous a donné déjà beaucoup des chances et on ne peut pas faire plus. Patientez, s’il vous plaît. »
Nous nous sommes limités à répondre aux questions, sans capacité de réaction à une telle agression et intrusion.

Nous avons été rappelés par la dame du guichet qui nous a indiqué qu’ils allaient transmettre notre dossier à un autre bureau pour analyser notre situation, que l’on aurait une réponse dans quelque temps mais que ça peut être très long
Pour eux la réponse est négative en raison des ressources insuffisantes. J’ai posé plusieurs questions pour essayer de comprendre et avons eu les informations suivantes : la réponse peut prendre jusqu’à quatre mois, il n’y aura plus de récépissé ni un autre justificatif, mon mari est désormais en situation irrégulière, ce qui compte se sont les ressources (qui doivent être d’un montant suffisant pour pouvoir vivre et ne pas avoir le droit aux allocations), et enfin, le fait de vivre en France depuis bientôt 10 ans et travailler depuis plus de 5 ans peut compter pour le tribunal ou autre mais pas pour les services préfectoraux.

Réalisant que mon mari est en situation irrégulière avec l’incertitude d’obtenir un jour un titre de séjour, avec l’expérience du dernier passage à la préfecture où nous nous sommes sentis violentés, nous avons pris la décision de programmer notre vie autrement pour les deux prochaines années pour que mon mari soit en France de façon légale.
Il a contacté des personnes au Brésil et trouvé un travail pour six mois (de janvier à mars 2015 et de juillet à septembre 2015) lui permettant ainsi de revenir en France de nouveau 3 mois en tant que touriste brésilien. Ainsi pourra donner continuité à son projet qui était déjà en cours et fortifier les relations personnelles et institutionnelles pour un possible travail stable dans le futur, une fois il recevra le droit au séjour.

Nous avons reçu une lettre de la préfecture, le 15 septembre 2014 : la demande de titre de séjour est rejetée et mon mari est obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Il y a deux erreurs dans la lettre, la première concernant la date de la dernière entrée en France de mon mari : « qu’il est entré de nouveau en France le 22 juillet 2013 » alors qu’il est revenu le 12 juin 2014 après le décès de son frère, et la seconde concernant ma profession : « en qualité de employée de maison », alors que je suis professeure de piano diplômée du conservatoire.

Et puis il est signalé, entre outre, que je « ne justifie pas d’un droit au séjour en tant que ressortissante de l’Union Européenne », et « que la faiblesse de mes revenus indique une activité professionnelle marginale ».

Nous avons fait un recours et passerons devant le tribunal administratif en juin prochain.
Nous voudrions remercier tout d’abord à Dieu, et à toutes les personnes qui nous aident dans ce lourd et long procès.

B.

Désolé, les commentaire sont désactivés pour l'instant.