Sep 012016
 

Après avoir subit une tentative d’expulsion, Geneviève* et Sylvain* ont accepté de livrer leur témoignage ainsi que les décisions de justice obtenues en leur faveur.

 

Geneviève et moi vivons ensemble « maritalement » depuis plus de 5 années. Je l’ai connue dans une guinguette « Île au Martin Pêcheur » à Champigny-sur-Marne durant l’été 2010. Nous avons eu immédiatement une très forte attirance l’un pour l’autre.

Geneviève est arrivée en France au début de l’année 2010, en provenance d’un pays où Boko Haram sévissait déjà : le Nigéria. Elle avait aussitôt déposé une demande d’Asile Elle. Nous étions confiants quant à l’issue de cette demande et avons commencé à nourrir le projet de nous marier. Cependant, la demande d’asile a été rejetée. Nous avons alors renoncé à notre projet de mariage, persuadés que la situation devenue irrégulière de Geneviève l’empêcherait de se marier.

C’est seulement en janvier 2016 que nous avons appris que l’irrégularité de séjour n’était pas un empêchement au mariage. J’ai sollicité et obtenu un entretien avec le nouveau maire, pour lui faire part de notre projet lui précisant que je voulais célébrer mon union avec ma compagne Geneviève, c’est-à-dire légitimer, officialiser un amour partagé, sincère depuis plus de 5 années.

Pourtant, suite au dépôt de notre dossier, nous avons été auditionnés le 20 avril 2016 en parallèle par deux personnes de l’état civil. Une troisième personne a fait son rapport, envoyé le 24 avril 2016 au Procureur de la République, disant qu’il donnerait sa réponse dans moins de 2 semaines. Comme on nous avait dit que tout s’était bien passé pendant nos auditions, nous avons commandé la robe de mariée sur internet avec des mesures personnalisées, un bouquet de mariée et des gants. J’ai même fait construire une immense terrasse couvrant plus de la moitié de mon terrain pour accueillir une cinquantaine d’invités et pour pouvoir y danser.

Le 4 mai 2016, coup de massue : le Procureur de la République annonce surseoir à notre projet, affirmant qu’au vu des auditions, de sérieux indices permettent de douter de la sincérité du mariage.

Le lundi 9 mai 2016, alors que je revenais d’effectuer ma marche quotidienne, je vois une voiture qui s’arrête devant ma boite aux lettres. C’est un agent de police qui me remet une convocation pour Geneviève. Motif : audition en vue de mariage le mercredi 11 mai 2016. Aussitôt, je l’interroge : c’est bien une audition en vue de mariage et non pas une audition concernant sa situation administrative ? Il me confirme, mais j’ai de forts doutes. Pendant une semaine, je n’ai pas dormi, stressé à l’extrême si bien que le 10 mai, veille de l’audition, je suis allé chez mon médecin traitant faire un certificat médical précisant que vu mon état je devais prendre les antidépresseurs que j’avais abandonné depuis que j’avais rencontré Geneviève.

Le jour de l’audition, l’agent a appelé au moment où nous partions de la maison pour m’expliquer finalement que ce sera mieux de nous interroger ensemble dans deux pièces séparées, ça fera gagner du temps. Dès notre arrivée à 10 heures piles, l’agent nous a confirmé les deux auditions simultanées mais n’a emmené que Geneviève dans une pièce au 1er étage. Personne ne m’a convoqué pour l’audition simultanée et j’ai attendu pendant 1h20 que l’on vienne me chercher.

Là, à 11h25, tout fier, l’agent de police m’a annoncé que Geneviève était en garde à vue et qu’elle allait être transférée à midi dans un local de rétention à Cachan puis dans un autre endroit en vue d’un retour définitif dans son pays d’origine et cela dans les 48 heures. Motif : situation irrégulière. Puis cyniquement il m’a proposé de faire mon audition en vue de mariage. J’ai refusé immédiatement et dénoncé aussitôt un détournement de procédure. J’ai fini par obtenir après maintes demandes un entretien avec la commissaire principale du commissariat pour lui redire que je contestais fortement ce détournement de procédure et que j’allais faire intervenir immédiatement une avocate expérimentée.

Notre avocate a réussi à empêcher le départ immédiat en déposant un recours portant l’audience au samedi matin au tribunal administratif de Paris. Le Préfet du Val de Marne a été condamné pour détournement de procédure, et l’Etat a été condamné à verser 800 euros.

Geneviève m’a expliqué comment s’est déroulée sa soi-disant audition en vue de mariage :

« Dès mon entrée dans la pièce d’audition, l’agent de police m’a demandé où j’habitais, quel était mon pays d’origine, et si je demandais mon mariage avec Sylvain. J’ai répondu que oui ! La question suivante était ETES-VOUS EN SITUATION IRREGULIERE ? J’ai répondu oui comme je l’avais déjà dit à l’audition du 20 mai 2016 à la mairie. »

L’agent de police a aussitôt appelé une dame qui m’a demandé de la suivre dans un autre bureau. Elle m’a alors annoncé qu’étant donné ma situation irrégulière, mon mariage était impossible et qu’elle appelait la préfecture de police pour me mettre dans un local de rétention afin de me renvoyer au Nigéria dans les 48 heures. Cette autorisation préfectorale obtenue, elle m’a mise dans une pièce, une dame m’a déshabillée pour m’enlever mon soutien-gorge, mes boucles d’oreilles, mes chaussures et mon sac contenant mes deux portables, ma carte Navigo, carte d’aide médicale d’Etat, mon attestation de suivi scolaire depuis 2016, mon passeport régulier délivré par l’ambassade du Nigéria en février 2016, mon acte de naissance, les clés de notre maison et une perruque. Avant le déshabillage, la dame m’a demandé si j’aurais souhaité faire venir mon fils de 15 ans dans le cas où le mariage aurait eu lieu. J’ai répondu que je n’en savais absolument rien, je ne m’étais jamais pose la question. Par deux fois, une dame a insisté pour me faire signer un papier indiquant que je partais au Nigéria dans les 48 heures en refusant de m’expliquer la signification de ce papier.  J’ai catégoriquement refusé de signer les deux fois.

A midi, on m’a pris les empreintes digitales. Peu après, j’ai été menottée et mise dans un car de police qui m’a emmené dans un autre commissariat à Cachan vers 14 heures.  Vers 18 heures, j’ai été transportée toujours menottée au centre de rétention administrative 3 quai de l’horloge à Paris 1er. Le lendemain soir vers 20 heures, une affiche annonçait : Pour Gloria – vol LAGOS à 8 heures 45 demain, vendredi 13 mai 2016. » 

Et finalement, suite au dossier très argumenté fourni par notre avocate (une douzaine de témoignages et certificats médicaux.) Madame la procureur de la république a reconnue avoir été mal informé et à renoncer à son opposions au mariage.

NO COMMENT

Le mariage a eu lieu.

NB : La maire-adjointe a commencé son petit discours par : « Nous sommes heureux de célébrer… »  Mais là c’était vraiment le comble, la mairie avait tout fait pour s’opposer à cette union ! Quand alors j’ai voulu remercier les magistrats grâce auxquels cette union avait été possible, la maire adjointe ma coupé la parole menaçant de renoncer à célébrer le mariage si je poursuivais mes remerciements… et dire que dans son allocution elle évoquait la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité…

* Les prénoms ont été modifiés

 

TA Paris 14 mai 2016 – annul OQTF détournement de pvr

TGI Créteil, 07 juil 2016, mainlevée d’opposition à mariage

Désolé, les commentaire sont désactivés pour l'instant.