Déc 182017
 

 

EFFROI

En 2010, les Amoureux au ban public apprenaient avec effroi le projet de loi d’Éric Besson, alors Ministre de l’Immigration et de l’identité nationale, venant renforcer un peu plus la stigmatisation des couples binationaux.

Déjà quasi-systématiquement soupçonnés de « mariage blanc » (c’est-à-dire de fausse union consentie par les deux parties), les partenaires du couple binational se voient désormais opposés l’un à l’autre : l’un.e Français.e victime, l’autre étrangèr.e auteur.e d’une « escroquerie sentimentale à but migratoire » (citation d’Eric Besson). La chasse aux « mariage gris » est ainsi lancée !

Certes le phénomène de fraude ou de tromperie existe. Cependant, à en croire les quelques chiffre accessibles (Ministère de la justice, Assemblée nationale)  il n’existerait que dans une proportion marginale à l’égard des unions franco-étrangères.

Aussi le projet de loi s’inscrit dans la continuité de l’instrumentalisation de la lutte contre la fraude pour justifier le durcissement de la législation concernant les résidents étrangers, l’objectif implicite étant de limiter l’immigration en attaquant la politique d’immigration familiale.

Les Amoureux au ban public se sont donc mobilisés pour alerter contre ledit projet de loi et des risques qu’il entrainait sur tous les couples binationaux en participant :

–  aux cortèges inter-associatifs de protestation contre la Loi Besson le 10 octobre 2010 (collectifs des Amoureux au ban public d’Île-de-France, de Marseille et de Colmar),

– au débat organisé à Marseille le 24 novembre 2010 en partenariat avec plusieurs associations et syndicats,

– au rassemblement du 5 mars 2011 devant l’Assemblée Nationale en protestation contre la loi Besson

– à la séance de clôture de l’audit de la politique d’immigration, d’intégration et de développement lancé par une association de parlementaires, le 25 mars 2011

– aux cortèges inter-associatifs de protestation contre la Loi Besson le 28 mai 2011 (collectifs des Amoureux au ban public d’Île-de-France, de Marseille et de Toulouse),

Malheureusement, malgré la grogne des associations, le projet de loi est voté le 16 juin 2011, et ça n’a pas manqué … les administrations ont désormais toute latitude pour remettre en question les intentions du/de la partenaire étrangèr.e devant le/la Français.e.

La pénalisation du « mariage gris », se concrétise par l’ajout d’une phrase au premier alinéa de l’article L. 623-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, rédigée ainsi : « Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. ». (La peine actuelle est d’un maximum de sept ans de prison et de 30 0000 euros d’amende).

Face à ce qui s’apparente à une véritable « police des sentiments », les couples binationaux doivent se plier à des enquêtes intrusives, des auditions inquisitoires justifiées par la mission que se donne l’État de protéger les plus vulnérables et en l’occurrence selon ses agents les femmes, puisqu’elles font régulièrement face à des propos paternalistes voire parfois misogynes, laissant à penser que la gent féminine serait plus encline à croire aux sentiments falsifiés d’hommes migrants peu scrupuleux.

Le 8 juin 2015, la coordination nationale des Amoureux au ban public tentait d’en débattre avec les membres d’une association qui avait inspiré Eric Besson en 2011 sur les ondes de Sud Radio.

Au printemps 2017, à l’occasion de la campagne présidentielle, les Amoureux au ban public ont eu l’occasion d’interroger les candidats sur le soupçon systématique qui pèse sur ces couples, notamment à travers une campagne reprenant les propos entendus par les couples lors d’auditions

La loi Besson a accentué cette mise à l’épreuve des sentiments.

Car cette suspicion, présente jusque dans les textes, s’est largement insinuée dans la tête des agents, dans la tête des familles, et indirectement dans la tête des conjoints.es qui doivent sans cesse se réinterroger leur lien sentimental et être en mesure de le justifier.

Elle a des conséquences concrètes pour la vie privée et familiale des couples : obstacles à la célébration du mariage ou à l’obtention du titre de séjour une fois mariés, attente très longue justifiées par des contrôles et enquêtes judiciaires, auditions aux questions accusatrices et intrusives, etc

Être en couple avec une personne étrangère c’est constamment répondre à des questions sur la légitimité et véracité de sa relation, c’est ne pas parler des problèmes conjugaux qu’ont tous les couples de peur que ce soit perçu par l’entourage comme un indice que le partenaire profiterait de la situation, … et pour le partenaire étranger, c’est trouver comment prouver sa sincérité auprès de l’administration, voire même de la belle-famille, car toute séparation du couple à court, moyen ou long terme, risquerait d’être considérée comme un signe et non comme un échec, tel que le rencontrent de nombreux couples, binationaux ou non.

N’hésitez pas à ce sujet, à (re)découvrir l’ouvrage « Haut les cœurs ! Lettres d’amoureux au ban public », qui raconte cette suspicion et ce mépris subit au fil des démarches, mais surtout le combat d’une quinzaine de couples pour la liberté d’aimer. Cette publication est inspirée d’une campagne de lettre qui avait été imaginée en 2011 : il s’agissait de les adresser au ministre Eric Besson afin qu’il soit en mesure d’évaluer les conséquences désastreuses de la politique menée par son gouvernement. Il aura fallu 4 ans avant que le projet de publication aboutisse.

 

 Publié par le 18 décembre 2017

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