Mai 102013
 

Par Camille Legrand

Depuis janvier, Clotilde Cazal se bat pour pouvoir se marier avec Abdelkaddous. Tunisien en situation irrégulière, il a été dénoncé aux autorités, mettant en suspens le mariage de ce couple mixte. Pourtant, les bans ont été publiés en mairie et l’hypothèse du mariage blanc écartée par la police mais Abdou se trouve désormais au centre de rétention de Cornebarrieu.

 

« On a essayé de me dissuader de me marier »

En couple depuis quatre ans avec Abdelkaddous – surnommé Abdou -, la jeune femme fait face à de nombreux détracteurs. En cause ? Leur futur mariage, soupçonné d’être un mariage blanc. Une accusation démentie par la jeune femme qui se bat sans relâche avec la justice française. En vain pour l’instant. Depuis le 17 avril, Abdou dort au centre de rétention de Cornebarrieu, avec le risque grandissant d’être renvoyé en Tunisie, son pays d’origine.

Tout commence en janvier 2013. Le couple dépose un dossier matrimonial à la mairie de Toulouse. Mais la relation entre cette Française et ce Tunisien de 29 ans, dérange. « Un de mes proches n’a pas hésité à dénoncer la situation d’Abdou au ministère de l’Intérieur », déplore Clotilde. Dès lors, le dossier est transmis au procureur de la République afin de vérifier qu’il ne s’agisse pas d’un mariage blanc. Une pratique « souvent appliquée pour les couples mixtes mais loin d’être obligatoire », explique Charlotte Rosamond, animatrice du mouvement les « Amoureux au ban public » ( créé en 2007 à l’initiative de la Cimade).

Dans d’autres villes, ce sont parfois les mairies qui signalent de façon systématique le dossier matrimonial d’un couple mixte au procureur. « Ici à Toulouse, les mairies ne le font pas automatiquement. Seules quelques petites communes de l’agglomération ou des villes commeMontauban ont recours à ces pratiques », explique Pierre Grenier, délégué régional de la Cimade, sans pour autant indiquer toutes les mairies concernées.

 

« On ne sait plus du tout dans quel cadre on se trouve, puisque la question du mariage n’est même plus abordée. »

 

Pour Clotilde, la bataille judiciaire commence. Au départ, « personne ne nous a prévenus de la saisie du dossier par le procureur de la République, alors que la loi le stipule clairement », regrette la jeune femme. Pire, le 7 février, la mairie lui aurait envoyé un courrier, précisant que leur dossier de mariage était à l’étude. Un mensonge pour Clotilde : « Ils savaient très bien qu’il était saisi depuis une semaine ».

Très vite, les auditions se succèdent. La Toulousaine est entendue deux fois, à quelques jours d’intervalle, pour manque d’informations. La deuxième audition dure 2h40 : « On a essayé de me dissuader de me marier. Les brigadiers rigolaient ensemble ». Pour Clotilde, c’est de l’acharnement. Et pour cause, « la personne qui nous a dénoncés a des relations dans la police.C’est une machination », s’offusque-t-elle.

 

« La justice me déçoit »

En avril, Abdou est convoqué à son tour. La suite logique, afin de vérifier les intentions des deux futurs époux, pense la jeune femme. « En réalité, la Police aux frontières a déjà statué sur notre mariage. Cinq minutes à peine après le début de l’interrogatoire, le brigadier nous assure que l’avis est favorable. Les bans ont même été publiés en mairie ». Cependant, la Police aux frontières garde le jeune homme afin de « vérifier sa situation administrative ». Pour Pierre Grenier : « On ne sait plus du tout dans quel cadre on se trouve, puisque la question du mariage n’est même plus abordée ».

Clotilde flaire le piège. Faute de papiers en règle, Abdou est directement placé au centre de rétention de Cornebarrieu, avec une obligation de quitter le territoire.

 

« La préfecture était censée nous envoyer un courrier, que l’on n’a jamais reçu. »

 

« La justice me déçoit », clame la jeune femme qui rappelle le cauchemar de son compagnon pour obtenir des papiers en France : « Abdou est arrivé sur le sol français en 2002 avec un visa étudiant. Ses papiers ont expiré en 2010. Aujourd’hui il est toujours scolarisé». Même son de cloche du côté d’Abdou : « Je croyais aux valeurs françaises. Finalement je suis très déçu. Je suis étudiant en France depuis longtemps. J’y ai passé une grande partie de ma vie d’adulte. J’ai fait les démarches à la préfecture pour renouveler mon titre de séjour. En 2011, j’y suis allé cinq fois entre octobre et janvier. Seulement voilà, affirme-t-il, la préfecture était censée nous envoyer un courrier, que l’on n’a jamais reçu ».

 

« Tout ce que je demande c’est de me marier dans mon pays, avec l’homme que j’aime. »

 

Une pétition rassemble plus de 4700 signatures

Aujourd’hui, Abdou dort toujours au centre de rétention, dans l’attente d’une décision de justice. Problème, signale Charlotte Rosamond : « Le procureur n’a toujours pas communiqué sa décision. Et ce, malgré l’envoi de plusieurs courriers ». D’après l’article 175-2 du code civil, le procureur peut surseoir, pour une durée d’un mois, renouvelable une fois, à la célébration du mariage, pour procéder à une enquête. « Celle-ci a commencé depuis mi-février, explique ClotildeIl aurait dû donner une réponse courant avril ».

La jeune femme ne compte pas se laisser faire face au mutisme des administrations. Elle a déjà saisi le Tribunal de grande instance, qui a rejeté la requête, et compte désormais faire appel. Par ailleurs, une pétition, publiée sur le site du mouvement « Les Amoureux au ban public », a déjà rassemblé plus de 4700 signatures. « S’il le faut, j’irai jusqu’à faire une grève de la faim,affirme Clotilde. Tout ce que je demande c’est de me marier dans mon pays, avec l’homme que j’aime ».

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